Les 4 Piliers

L’expression « jūdō des dōjō » fait référence à une expression qu’emploie Kanō Jigorō à maintes reprises, dōjō ni okeru jūdō 道場に於ける柔道, « le jūdō qui s’applique dans les dōjō » pour distinguer ce que le pratiquant de jūdō a l’occasion de rencontrer dans le dōjō, du jūdō au sens large, lequel s’applique partout et tout le temps, et qui fera l’objet de la troisième partie.

Le jūdō dans le dōjō est la méthode mise au point par Kanō Jigorō pour mettre sur la voie (dō 道) du principe de l’efficacité dans le combat, mais surtout des trois éducations, physique, intellectuelle, et morale. Au début, il assimile cette « efficacité » avec la mise en œuvre du principe jū (柔), du « choix de la faiblesse », d’où le nom de jūdō 柔道. La pratique, l’expérience, la réflexion constante sur celles-ci alliée à l’étude théorique amènent finalement Kanō Jigorō à définir un principe plus général, plus universel, celui de « meilleure utilisation de l’énergie », seiryoku saizen katsuyō 精力最善活用, abrégé – en japonais – en « bonne utilisation de l’énergie », seiryoku zen.yō 精力善用.

Kanō Jigorō conçoit sa méthode pour que chacun puisse revivre son expérience, sa métamorphose physique et morale. Il souhaite en faciliter le chemin en l’expliquant et en proposant d’accompagner la progression. Tout pratiquant doit ainsi recevoir les outils qui vont lui permettre de (re)découvrir par lui-même la pertinence de ce « choix de la faiblesse » vers lequel il est guidé, d’en vivre l’expérience, et de progresser dans les trois plans que sont l’aspect martial, l’aspect physique, l’aspect intellectuel et moral.

Au-delà d’exercices très concrets, le jūdō des dōjō consiste également en une organisation complexe, dont l’objectif est de favoriser l’expérience du pratiquant, et de faciliter sa compréhension.

La pratique dans le dōjō est constituée de quatre éléments essentiels : le kōgi (講義 cours magistral), le mondō (問答 échange de questions-réponses), le kata (形 séquence prédéfinie d’attaque et défense) et le randori (乱取 exercice d’application libre).

Les deux premiers éléments sollicitent surtout la compréhension par la réflexion, les deux autres, la compréhension par le corps. Tous les quatre sont interdépendants, les progrès dans un domaine se répercutant sur les autres, la pratique exclusive de l’un ou de l’autre entraînant forcément un déséquilibre menant à une impasse. Non qu’il faille leur accorder le même temps – loin de là –, mais il ne faut en négliger aucun.

Kōgi et mondō invitent à la réflexion ; ils la nourrissent, la stimulent. Si la réflexion doit être constante – elle fait partie intégrante de la pratique même hors du dōjō –, ces deux exercices cèdent largement la place aux deux autres, à tel point qu’aujourd’hui ils sont totalement ignorés. Kata et randori constituant l’essentiel de la pratique, et ceux-ci étant l’application, codifiée ou libre, de techniques, nous commenceront par une mise au point sur la place de celles-ci dans le Kōdōkan jūdō.